Renouveau

* Cela semblait presque trop beau pour être vrai. Mr Taupe, tout à son affaire, déambulait dans les prés, le long des haies, à travers les bosquets, découvrait partout des oiseaux nichant, des fleurs à peine écloses, des feuilles qui poussent. Tout renaissait, tout respirait la joie et l'entrain. Et au lieu d'être tourmenté par sa mauvaise conscience qui lui soufflerait: «Badigeon», il ne pouvait s'empêcher de se dire combien il avait de la chance d'être le seul flâneur au milieu de tous ces êtres affairés. Après tout ce qu'il y a de plus agréable quand on est en congé, ce n'est pas tant se reposer soi-même que de regarder les autres travailler.

Il n'imaginait pas de bonheur plus complet que celui d'errer comme cela à l'aventure quand tout à coup il s'arrêta devant un rivière. Il n'avait de sa vie jamais vu de rivière - espèce de gros animal luisant et sinueux toujours en fuite, gloussant, se saisissant de choses avec un glouglou et les recrachant un peu plus loin dans un gargouillis, pour se jeter aussitôt sur d'autres camarades de jeu qui se libéraient en s'ébrouant de son emprise pour se retrouver de nouveau captifs. Là, tout n'était que tremblements et frissonnements, lueurs et étincelles, bruissements et remous, chuchotements et bouillonnements. Mr Taupe en resta ensorcelé, transporté, fasciné. Il se mit à trotter le long de la rivière comme un petit enfant trottine au côté aux côtés d'un adulte qui l'envoûte par des histoires passionnantes; et quand, enfin, las, il s'assit sur la berge, la rivière continua de lui susurrer les plus belles histoires du monde, venues des entrailles même de la terre et qu'elle irait ensuite répéter à la mer insatiable. *

Un extrait du premier chapitre du "Vent dans les Saules" de Kenneth Grahame pour fêter le printemps (même si là, présentément, dehors, il neige...).

Et une ptite photo juste pour le suspens...